La loi Climat et Résilience, adoptée en août 2021, a marqué un tournant majeur dans la lutte contre les passoires thermiques en France. Elle prévoit notamment que, dès janvier 2025, les logements classés G au diagnostic de performance énergétique (DPE) soient interdits à la location. Cependant, face aux défis rencontrés sur le terrain, le gouvernement semble revoir ses priorités et son calendrier, suscitant à la fois espoirs et critiques.
Un cadre légal ambitieux mais difficile à mettre en œuvre
Depuis janvier 2023, les logements les plus énergivores, classés G+ (les pires étiquettes G du DPE), sont déjà considérés comme indécents énergétiquement. Cela signifie qu’ils ne peuvent plus être proposés à la location, ni faire l’objet de nouveaux baux. Cette mesure visait à inciter les propriétaires à entreprendre des travaux de rénovation énergétique afin de réduire la consommation d’énergie de leur bien. Elle s’inscrit dans une démarche plus large visant à améliorer l’efficacité énergétique du parc immobilier français, responsable d’environ 20 % des émissions nationales de gaz à effet de serre.
La prochaine étape de cette stratégie devait concerner tous les logements classés G, dès le 1er janvier 2025. Néanmoins, cet objectif se heurte à des obstacles structurels. Lors de son discours de politique générale en octobre dernier, le Premier ministre Michel Barnier a annoncé une simplification du DPE et une adaptation du calendrier d’interdiction de location. Bien que les détails soient restés flous initialement, la ministre du Logement, Valérie Létard, a confirmé que ces ajustements impliquent un report des échéances pour certains biens.
Un sursis pour 250 000 logements situés en copropriété
Selon Valérie Létard, environ 250 000 logements classés G, principalement situés dans des copropriétés, nécessitent un délai supplémentaire pour engager les travaux de rénovation. Ces biens représentent un défi particulier : dans les copropriétés, obtenir un consensus parmi les propriétaires peut s’avérer long et complexe, surtout lorsque certains occupants ne se sentent pas directement concernés par les interdictions de location.
Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), partage cet avis. « Les rénovations énergétiques dans l’habitat collectif demandent des délais bien plus longs que dans les logements individuels. Convaincre tous les copropriétaires, notamment ceux qui habitent leur logement, est un processus qui s’inscrit dans une temporalité différente de celle des réglementations », explique-t-il.
Pour pallier ces difficultés, il propose une solution pragmatique : utiliser l’obligation légale, dès janvier prochain, pour toutes les copropriétés d’établir et de voter un plan pluriannuel de travaux (PPT). Ce document, qui dresse la liste des travaux à réaliser sur une période de 10 ans pour entretenir l’immeuble et améliorer sa performance énergétique, pourrait offrir une voie de compromis. Loïc Cantin suggère ainsi de suspendre temporairement l’indécence énergétique pour les logements classés G situés dans des copropriétés ayant adopté un PPT, à condition qu’il inclue un engagement clair en faveur des rénovations énergétiques.
Des critiques sur le message envoyé
Malgré ces ajustements, la perspective d’un report du calendrier suscite de vives critiques parmi les défenseurs de la transition écologique. « Ce recul était prévisible dès l’adoption de la loi en 2021 », regrette Danyel Dubreuil, porte-parole du Cler, une association engagée pour une transition énergétique ambitieuse. « Le problème, c’est que le gouvernement va probablement créer une nouvelle instance de dialogue, ce qui retardera encore la mise en œuvre de mesures concrètes. »
Pour Danyel Dubreuil, l’un des principaux écueils de cette réglementation réside dans la manière dont elle est perçue. « On la présente toujours comme une interdiction de louer, alors qu’elle devrait être vue comme une obligation de rénover. Trop souvent, les locataires de ces passoires thermiques doivent supporter des loyers élevés, alors même que leurs logements ne respectent pas des critères élémentaires de décence énergétique. »
Un projet de loi attendu avant fin 2024
La majorité présidentielle prévoit de déposer un projet de loi d’ici la fin de l’année, avec l’objectif de clarifier la situation et d’introduire des ajustements au dispositif initial. Ce texte, s’il est débattu au Parlement au premier trimestre 2025, pourrait éviter un vide juridique et apporter de la visibilité aux propriétaires et aux locataires concernés.
Pour Loïc Cantin, l’important est de préserver un signal politique fort tout en adaptant les contraintes aux réalités du terrain. « Cette loi doit encourager les rénovations énergétiques sans pour autant pénaliser de manière disproportionnée les propriétaires, en particulier ceux qui possèdent des biens en copropriété. »
Face à cette situation, le défi du gouvernement est de taille : concilier des objectifs écologiques ambitieux avec les contraintes économiques et sociales d’un parc immobilier complexe. Reste à savoir si les mesures proposées permettront d’atteindre un équilibre satisfaisant.
Le report potentiel de l’interdiction de location des logements classés G reflète les tensions entre ambitions climatiques et contraintes pratiques, notamment pour les copropriétés. Bien que ce répit puisse faciliter l’adoption de plans pluriannuels de travaux, il suscite des critiques sur le manque de fermeté face à l’urgence climatique. La réussite de cette transition dépendra de mesures concrètes pour accompagner propriétaires et locataires, afin d’accélérer la rénovation énergétique tout en évitant de creuser les inégalités sociales et territoriales.