Le dispositif de rénovation énergétique traverse une période tumultueuse. Après les critiques sur le diagnostic de performance énergétique (DPE), c’est maintenant le système des certificats d’économies d’énergie (CEE) qui est sévèrement jugé par la Cour des comptes. À l’instar du DPE, les CEE visent à réduire la consommation énergétique et sont donc alignés avec la politique de diminution des gaz à effet de serre, une priorité gouvernementale. Cependant, le rapport de la Cour met en lumière de nombreux dysfonctionnements : absence d’évaluation adéquate, contrôles insuffisants favorisant la fraude, économies surestimées, objectifs mal coordonnés avec le reste des politiques publiques, etc. La Cour estime qu’il est urgent de réformer ce dispositif qui, en fin de compte, alourdit la facture énergétique des ménages. En 2022, la charge annuelle pour un foyer atteignait 164 euros, et ce montant devrait croître considérablement, entre 450 et 912 euros par an d’ici 2026, selon les prévisions du cabinet Colombus Consulting.
Qu’est-ce que les CEE ? Mis en place en 2005, les CEE contraignent les fournisseurs d’énergie à financer des projets de réduction de consommation énergétique, que ce soit pour le gaz, le fioul, l’électricité ou autres. Ces projets peuvent être menés par les fournisseurs eux-mêmes ou par les consommateurs. En cas de non-respect des objectifs, des sanctions peuvent être infligées. Les certificats sont délivrés par un service public, sous la tutelle de la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) relevant du ministère de l’Écologie. Chaque période d’engagement dure environ 3 à 4 ans, la cinquième période s’étalant de 2022 à 2025. Les certificats peuvent financer diverses actions d’économies d’énergie ou contribuer à des programmes spécifiques, notamment en direction des foyers en situation de précarité énergétique.
Exemple d’attribution d’une prime CEE La Cour des comptes a décrit un cas type d’attribution d’une prime CEE. Madame H, par exemple, installe une pompe à chaleur pour 9 500 €, soit 5 000 € de moins que le prix initial de 14 500 €, grâce à une remise liée aux CEE. L’artisan avec lequel elle traite travaille avec une entreprise spécialisée dans les services d’efficacité énergétique, qui sert d’intermédiaire entre l’artisan et les fournisseurs d’énergie. Ce dernier acquiert ensuite le certificat d’économies d’énergie, tout en répercutant les coûts sur le prix de vente de ses services. In fine, ce sont les consommateurs qui supportent les coûts via leurs factures d’énergie.
CEE : une forme de taxe cachée ? Le système des CEE s’apparente, selon certains, à une taxe déguisée pour les ménages et les entreprises tertiaires, redistribuée sous forme de subventions. Malgré tout, le dispositif a permis de financer plus d’un million d’opérations d’économies d’énergie chaque année depuis 2021. Les économies d’énergie cumulées entre 2014 et 2020 ont permis une réduction de la consommation de 106 TWh en France, soit 6,5 % de la consommation énergétique nationale. Ce mécanisme est essentiel pour atteindre les objectifs européens, notamment celui de réduire la consommation finale d’énergie de l’Union de 11,7 % d’ici 2030.
Un dispositif complexe et vulnérable à la fraude Le système est jugé complexe par les acteurs du secteur, notamment en raison des fréquentes modifications réglementaires. La Cour des comptes recense plus de 80 arrêtés et décrets depuis 2018. En outre, la complexité et l’instabilité du cadre réglementaire favorisent les fraudes. Entre 8,7 % et 39,4 % des opérations contrôlées présentent des non-conformités, que ce soit des anomalies techniques ou administratives. Par exemple, un contrôle sur les pompes à chaleur a révélé que 60 % des travaux n’étaient pas conformes, et dans 11 % des cas, ils étaient inexistants. Les sanctions, bien que présentes, restent peu significatives, avec seulement 1,66 % du volume des CEE annulés depuis 2015.
Manque de pilotage et coûts croissants La Cour critique également le manque de pilotage de la part des autorités publiques. Les évaluations menées jusqu’à présent ne permettent pas de mesurer réellement les économies d’énergie obtenues. De plus, le coût du dispositif ne cesse d’augmenter, notamment en raison des objectifs de plus en plus ambitieux fixés par le gouvernement. En 2023, chaque ménage aurait ainsi financé le dispositif à hauteur de 164 euros à travers ses factures énergétiques. Ce montant devrait continuer à croître, au détriment des consommateurs.
Un impact environnemental limité Bien que les CEE contribuent à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’impact global reste modeste. La Cour des comptes estime que les économies réalisées auraient permis de réduire de 2,3 millions de tonnes les émissions de CO2, soit seulement 0,6 % des émissions annuelles de la France. Ce chiffre est jugé insignifiant au regard des enjeux climatiques actuels.
Des pistes de réforme nécessaires Le système des CEE, avec ses nombreux défauts, soulève des interrogations quant à son maintien. La Cour des comptes appelle à des réformes significatives et envisage même l’hypothèse de remplacer ce mécanisme par un autre. D’ici 2030, le gouvernement envisage un doublement des obligations actuelles pour atteindre les objectifs de réduction de la consommation d’énergie. Cependant, ce dispositif, qui repose de plus en plus sur les épaules des ménages et des entreprises, semble aujourd’hui en décalage avec les besoins réels de la transition énergétique.
En conclusion, le dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE), bien qu’essentiel pour atteindre les objectifs de réduction de la consommation énergétique et des émissions de gaz à effet de serre, présente de nombreuses failles. La complexité du système, l’instabilité réglementaire, les fraudes récurrentes et le manque d’évaluation réelle de son efficacité soulèvent des doutes sur sa pertinence. De plus, la répercussion des coûts sur les ménages et les entreprises, qui continuent d’augmenter, rend ce dispositif de plus en plus contesté. Face à ces défis, une réforme en profondeur apparaît indispensable. Il est nécessaire de revoir les mécanismes en place pour garantir une meilleure transparence, une véritable efficacité des actions menées, et une diminution de l’impact financier sur les consommateurs. Le gouvernement devra donc, dans les années à venir, repenser ce système pour qu’il soit à la hauteur des enjeux climatiques tout en restant équitable et soutenable économiquement pour les citoyens.